SYNOPSIS

 

La Franc Maçonnerie de Saint Domingue à Haïti.

 

Par Gregory Sicard

Tous Droits réservés 2024

 

 

Le rôle des francs maçons dans l’Histoire de Saint Domingue et Haïti est abordé dans cet ouvrage soulevant de nombreuses questions et en y apportant les réponses souvent controversées et cachées par l’histoire. Cette démarche s’articule autour de 3 grands chapitres, la période coloniale, la franc maçonnerie à Saint Domingue, la Guerre de l’Indépendance, la franc maçonnerie après l’indépendance.

 

« Un peuple, ou une civilisation, qui oublie, ne réfléchit pas et refuse de comprendre son passé se condamne à le revivre. Celui qui ne connaît pas l'histoire est condamné à la revivre » (George Santayana). Cette citation a toute son importance, j’ajouterais : Un peuple qui ne connaît pas l’histoire est condamné à le revivre… et au déclin.

 

La France a malheureusement choisie d’ignorer son passé à Saint Domingue, sa défaite dans la guerre pour le rétablissement de l’esclavage qu’elle a perdu. Elle a donc été condamnée à refaire les mêmes erreurs, avec l’inégalité des droits des citoyens entre autre, quand les colonisations ont été relancées sous Napoléon III, en Afrique et en Indochine. L’histoire coloniale aurait pu être toute autre si la France avait amené à ces peuples les principes de liberté, d’égalité et de fraternité, comme la révolution française l’avait finalement fait à Saint Domingue, après de nombreuses tergiversations, hésitations, et de multiples turpitudes et revers.

 

Notre démarche est de faire connaître cette histoire de Saint Domingue et par la suite Haïti en y faisant apparaître le rôle des francs maçons.

 

On y découvre le développement et l’importance des loges dans la Colonie Française de Saint Domingue, leur rôle durant la Révolution Français de 1789 qui a eu des répercutions dans cette colonie, et leur destin. Il y avait 27 loges répertoriées à Saint Domingue.

 

Le 26 Aout 1789, le premier régime révolutionnaire en France, l‘Assemblé Nationale, proclame la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Cette déclaration va révolutionner l’Histoire. Les lecteurs verront comment la France se maintient à Saint Domingue et la Guadeloupe mais perd momentanément la Martinique et la Louisiane. On découvre le rôle de Leger-Félicité Sonthonax et Etienne Polverel, ce dernier franc maçon, tous deux Commissaire Civil à Saint Domingue, les premiers à proclamer l’Abolition de L’esclavage le 29 aout 1793. On apprend comment et pourquoi la Convention vote l’abolition de l’esclavage dans les colonies qu’elle contrôle encore : la Guadeloupe et Saint Domingue le 4 février 1794. La France devient ainsi le 1er pays de la planète à abolir l’esclavage. Rédigé par Lacroix et voté par acclamation, le texte définitif d'abolition de l'esclavage est décrété le 16 pluviôse an II. Danton est au mieux de sa forme : « Jusqu'ici, nous n'avions décrété la liberté qu'en égoïstes, pour nous seuls ; mais aujourd'hui (...) nous proclamons la liberté universelle ». La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen est complétée en conséquence.

 

La lumière est faite sur L’histoire de la révolution à Saint Domingue ou de nombreux militaires noirs et métisses de l’armée française se distinguent et sauvent cette colonies des invasions anglaises et espagnoles invitées par les colons réactionnaires et opposés à l’abolition de l’esclavage. Survint la Guerre Civile du Sud à Saint Domingue opposant Toussaint Louverture et André Rigaud deux Généraux de l’Armée Française, et ses conséquences. Cette guerre civile est souhaitée et amenée par les colons et gouverneurs français qui veulent empêcher l’union des tous les libres qui sonnerait la fin de leur influence sur l’échiquier politique à Saint Domingue.

 

Toussaint Louverture est le vainqueur de la guerre Civile du Sud de Saint Domingue, victoire amère, de massacres, de destructions et de ressentiments des vaincus qui vont accélérer sa perte. Premier Général noir de la République Française et Gouverneur de l’ancienne colonie de Saint Domingue, après la promulgation de La Constitution de Saint Domingue qui le nome Gouverneur General à vie le 9 mai 1801, Toussaint devient Grand Protecteur de L’Ordre des francs maçons. A Saint Domingue

 

Pourquoi a lieu l’Expédition de Saint Domingue de Napoléon Bonaparte ? Pour reprendre le contrôle de Saint Domingue gouvernée par Toussaint Louverture et ensuite celui de la Louisiane que l’Espagne lui avait restitué, Bonaparte envoie une Expédition commandée par son beau-frère le General Charles Leclerc. Cette expédition compte 27 généraux de brigade, 45.000 soldats, 40 vaisseaux, 26 frégates et 17 corvettes. C’est la plus grande expédition militaire maritime de l’histoire de la France. Ceux que Toussaint avait vaincus durant la Guerre Civile du Sud de Saint Domingue en font partie. L’expédition arrive à Saint Domingue le 29 janvier 1802. Apres des combats opposants les partisans de Toussaints face à l’expédition, Toussaint est vaincu et arrête le 7 juin 1802, déporté en France au Fort de Joux dans le Jura ou il meurt le 7 avril 1803. Leclerc contrôle la Colonie de Saint Domingue.

 

C’est alors que se produisent deux évènements qui vont déclencher la Guerre d’Indépendance à Saint Domingue. Le 25 mars 1802, Bonaparte signe la paix d'Amiens avec l’Angleterre mettant fin aux guerres de la Révolution Française. Il décide de maintenir l'esclavage dans les colonies rendues à la France et de le rétablir dans les autres territoires que la France contrôlait et où il avait été aboli : Guadeloupe, Guyane et Saint Domingue. Bonaparte premier Consul, dictateur, par décret rendu par un corps législatif au service de son pouvoir, le 20 mai 1802, fait voter la loi rétablissant l’esclavage qui obtient la majorité de 211 voix contre seulement 63.

 

Le Général Richepance, un franc maçon, est chargé de la même mission que Leclerc pour la Guadeloupe. Il débarque en Guadeloupe le 6 mai 1802. L’esclavage y est rétabli peu après dans un bain de sang. A Saint Domingue il en sera autrement. C’est la mutinerie dans l’armée française. Les chefs militaires noirs et mulatres désertent, ainsi que les francs maçons blancs. C’est la guerre entre ceux qui veulent rétablir l’esclavage et les indépendantistes qui veulent vivre libre ou mourir. On assiste à l’échec du coup d’état des francs maçon de l’Armée Française à Saint Domingue mené par Pierre Thouvenot, franc maçon, chef d’Etat-Major de l’Armée de Saint Domingue depuis le 26 février 1803 et aussi Bertrand Clauzel, pour mettre fin à cette guerre dont la défaite s’annonce. De nombreux officiers français désertent et embrassent la cause des indépendantistes. Parmi eux des francs maçons imbus des idéaux de la Révolution Française : liberté, égalité fraternité en inadéquation avec les ordres reçus d’exterminer leurs frères d’armes et de participer au rétablissement de l’esclavage dans un bain de sang. N’avaient-ils pas combattu en Europe pour la liberté de tous les hommes ? En effet qu’elle dilemme pour eux et quelle impossibilité de réconcilier les idéaux maçonniques de la révolution française : liberté, égalité fraternité et les ordres reçus d’exterminer leurs frères d’armes et les populations civiles pour la seule raison qu’ils sont métis, noirs ou ont du sang noir dans leurs veines, afin de rétablir l’esclavage. Il a fallut attendre la fin de la seconde guerre mondiale et le procès de Nuremberg pour remettre en question l’obéissance passive aux ordres reçus, alors que dès 1802, à Saint Domingue durant la guerre d’indépendance haïtienne, elle était déjà remise en question par les militaires français maçons ou imbus des idéaux de la révolution française : liberté, égalité, fraternité.

 

On comprend alors la portée de la défaite de Napoléon à Saint Domingue et pourquoi elle a été étouffée par la suite et ne figure dans aucun manuel scolaire en France ! C’est la première guerre que Napoléon a perdu en voulant rétablir l’esclavage ! N’oublions pas que cette défaite intervient l’année précédant le sacre de Napoléon comme Empereur des Français. Cette défaite entache sa réputation, son aura et son prestige. Il fallait étouffer l’affaire. De plus, on a assisté à une véritable mutinerie dans l’armée française avec de nombreuses désertions pour des raisons morales. Il ne fallait pas que cela se sache, cacher cette honte, pour maintenir le système d’obéissance passive et stricte aux ordres reçus pour que la Grande Armée perdure et lance son emprise sur toute l’Europe.

 

On assiste à l’épopée de la victoire des indépendantistes, le 18 novembre 1803, menée par les généraux Jean Jacques Dessalines, Alexandre Pétion, Henry Christophe et de nombreux autres généraux, officiers et soldats. Elle est suivie de la déclaration de l’Indépendance de Saint Domingue, le 1er janvier 1804, qui devient Haïti en trois actes rédigés par Boirsond Tonnerre. Le premier acte est annonciateur d’une vengeance contre les français pour tous les crimes et exactions commis durant la guerre de l’indépendance. Le second acte proclame solennellement l’indépendance et la volonté de vivre libre ou mourir. Le troisième acte proclame Dessalines Gouverneur Général à vie, avec le droit de désigner son successeur. Tous les généraux lui jurent allégeance, il détient tous les pouvoirs, il est dictateur.

 

On découvre l’exécution du premier acte par Jean-Jacques Dessalines et le rôle des francs maçons opposés au massacre des français. Je ne peux m’empêcher ici un parallèle entre Dessalines et Nelson Mandela. Dessalines a été rattrapé par ses atrocités, ses actes arbitraires et sa dictature sur une population qui aspirait à la liberté et à la paix après l’indépendance. Il a été assassiné au Pont Rouge après à peine deux ans et 10 mois de règne le 17 octobre 1806. Sa mémoire à été jetée aux oubliettes de l’histoire durant trois quart de siècle après sa mort, tant le souvenir des atrocités commises était présent dans toutes les mémoires. Mandela pour avoir été magnanime et pour avoir pardonné à ses ennemis et tortionnaires après être arrivé au pouvoir en Afrique du Sud est reconnu mondialement comme un grand homme un homme de paix. L’Histoire et les humains attendent que les vainqueurs fassent preuve d’abnégation, de pardon et soient des hommes de paix et réconciliation envers ceux qu’ils ont vaincus. Si Dessalines avait fait montre de ces qualités il aurait pu être reconnu mondialement comme le Spartacus de la race noir mais il en fut tout autrement.

 

Les lecteurs découvriront la visite d’un éminent franc maçon en Haïti, Francisco de Miranda, en mars 1806, et l’aide qui lui est apportée. La naissance du drapeau de Miranda à Jacmel en Haïti, qui est celui du Venezuela, de la Colombie et de l’Equateur, inspiré directement du drapeau haïtien.

 

La chute de Dessalines est un complot aux multiples facettes dans lequel sont impliqués des francs maçons. La maçonnerie haïtienne naît sous la présidence d’Alexandre Pétion (9 mars 1807-29 mars 1818) premier à prendre le titre de président d’Haïti. Les historiens n’arrivent pas à prouver irréfutablement que Pétion était franc maçon, certains le supposent, mais il leur a apporté aide et protection.

 

On assiste à un élan de solidarité toute maçonnique du 3 janvier au 10 avril 1815 envers Simon Bolivar, franc maçon, et ses compagnons. Pétion offrit à la nation haïtienne ses plus belles heures de solidarité internationale quand Simon Bolivar et ses compagnons de lutte pour l’indépendance de territoires du continent Sud Américain, sollicitèrent l’aide des haïtiens. Pétion se voyait offrir une heureuse occasion de servir la cause de la liberté et de l’indépendance dans le nouveau monde. Il fit comprendre à Bolivar que l’indépendance des colonies espagnoles devait nécessairement profiter à tous les hommes qui en forment la population et non pas comme avait procédé les colonies Anglaises d’Amérique du Nord. Fidèle à la devise liberté, égalité, fraternité, il conditionna son aide en armes, munitions, etc., à la promesse solennelle que Bolivar proclame « la liberté générale de tous les esclaves de la province du Venezuela et dans toutes les autres qu’il réussirait à réunir sous le drapeau de l’indépendance ». Bolivar compris que c’était là la clef de sa réussite. Il réalisa aussi que le succès de la guerre d’indépendance haïtienne était dû à l’union de meneurs d'hommes, hier ennemis, qui avaient gagnés leurs galons de généraux au cœur de l'action, et qui avaient accepté l’autorité de Dessalines comme un mal nécessaire à la victoire contre les français. Il appliquera la même stratégie à son retour au Venezuela. Ainsi Pétion par ses nobles sentiments fut un précurseur, avant-gardiste, le vrai fondateur du Panaméricanisme à une époque où l’entraide entre nations du continent américain n’existait pas encore.

 

Jean-Pierre Boyer, franc maçon, Président d’Haïti (30 mars 1818-13 mars 1843) fut un grand organisateur de la République d’Haïti, un homme de paix et fut le seul Président à réaliser l’unité de l’ile. Le lendemain de la mort de Pétion, le Sénat élit le Général Jean-Pierre Boyer Président d’Haïti. La partie Est de l’ile était redevenue espagnole après la capitulation des français le 9 juillet 1809.  L'ancien gouverneur et propriétaire, José Nuñez de Caceres, déclare l'indépendance de la colonie comme l'État d’Haïti Espagnol le 1er décembre 1821. Il y avait trois partis dans ce territoire à l’époque, l’un voulait l’indépendance, le second un rattachement à la République de Grande Colombie et un autre, un rattachement à la République d’Haïti qui jouissait d’un grand prestige. C’est ce dernier parti qui l’emporta. Invité par les Dominicains et sans tirer un coup de fusil, Jean-Pierre Boyer entre triomphalement à Santo Domingo le 9 février 1822, réunifiant l’ensemble de l’ile, et est reçu en grande pompe pas Nuñez de Caceres. Boyer proclame l’abolition de l’esclavage dans ce territoire qui avait été rétabli par les espagnols.

 

C’est ainsi que Le Grand Orient D’Haïti amène la Franc Maçonnerie dans la Partie de l’Est qui deviendra la République Dominicaine. Le Grand Orient d’Haïti amène la Franc Maçonnerie dans un territoire où il n’existait aucune loge. Le Grand Orient d’Haïti délivre une patente en 1827 à la loge La Constante Union No 8 à l’orient de Santo Domingo. Silvestre Prézeau est vénérable et Tomas Bodilla est second surveillant. Ce dernier allait devenir le 1er Président de la République Dominicaine lorsqu’elle prend son indépendance de la République d’Haïti le 27 février 1844. Il sera aussi Grand Maître de la Grande Loge Nationale de la République Dominicaine en 1858.

 

Boyer sera à l’origine d’un acte de solidarité maçonnique le 15 janvier 1822 en aidant les indépendantistes grecs dans leur lutte pour l’indépendance de la Grèce.

 

Les difficultés de communication avec la Grande Loge Unie d’Angleterre, résultant des suspensions des correspondances transatlantiques, son inaction face aux demandes de nouvelles patentes, l’incertitude de savoir si oui ou non elle recevait les nombreuses planches qui lui étaient envoyées, pousse la franc maçonnerie Haïtienne à déclarer son indépendance le 25 janvier 1824.

 

Le paiement de l’indemnité de l’indépendance à la France est abordé avec ses multiples négociations. Débutées en juin 1814 sous Pétion, elles se terminent avec l’ordonnance de Charles X du 17 avril 1825, qui reconnait l’indépendance d’Haïti, moyennant une indemnité de 150 millions de francs or pour dédommager les colons de la perte de leurs biens dans l’ancienne colonie de Saint Domingue. En effet, la loi française du 30 avril 1826 indique que la compensation profitera uniquement aux propriétaires expropriés (ou héritiers) et qui, à cause des lois haïtiennes en vigueur, ne peuvent exercer le droit de propriété en Haïti. On arrive malheureusement à son imposition par une escadre française menaçante de 500 cannons, envoyée par Charles X, qui arrive le 8 juillet 1825 à Port-au-Prince. Le Président Boyer est obligé d’accepter les conditions exigées tout en sollicitant leur révision. Réduite à 83 million de francs or en 1838, la dette est soldée en 1878 par Haïti, grâce à un emprunt placé en 1875 sur le marché français. Les remboursements des emprunts extérieurs de 1825 pour payer la première tranche et celui de 1875, contracté en France, prendront respectivement fin en 1888 et 1922.

 

Les devises de la République d’Haïti viennent de la franc maçonnerie. De « La Liberté ou La Mort » en 1803, en passant par de nombreuses variantes, à « Liberté Egalité Fraternité » en 1867. Arrivé au pouvoir en 1867, Sylvain Salnave officialisera la devise : « Liberté Egalité Fraternité » qui demeurera celle de la République d’Haïti à date.

 

Le livre se termine par un survol détaillé de la situation actuelle de franc maçonnerie en Haïti.